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dimanche 29 avril 2012

RDC: MATATA PONYO a rendu public son nouveau gouvernement ! Un goût du déjà vu...


Le nouveau Premier Ministre de la RD Congo, Augustin Matata Ponyo Mapon a publié, ce  samedi 28 avril 2012, son gouvernement tant attendu.

Ce gouvernement compte trente-six membres, dont le Premier Ministre lui-même, deux vice-premiers ministres, un ministre délégué à la Primature chargé des Finances, vingt-cinq ministres et huit vice-ministres.
Les deux vice-premiers ministres s’occuperont l’un du Budget, et l’autre de la Défense et Anciens combattants.

Il y a également un « ministre délégué auprès du Premier ministre chargé des Finances », en la personne de Monsieur Patrick Kitebi Kibol Mvul.
Quatre ministres du gouvernement sortant d’Adolphe Muzitu sont reconduits, parmi lesquels le tonitruant et tristement célèbre Lambert Mende Omalanga aux médias (il s’occupera également des relations avec le Parlement et de l’  « initiation à la nouvelle citoyenneté »). Ses trois compères rescapés du gouvernement sortant sont :
  1. Fridolin Kasweshi, qui demeure aux Infrastructures et Travaux publics, et à qui l’on a ajouté l’aménagement du territoire, l’urbanisme et l’habitat ;
  2. Martin Kabwelulu reste au ministère des Mines ;
  3. Maker Mwangu conserve quant à lui l’Education primaire, secondaire et professionnelle.
Trois femmes sont à la tête de ministères :
  1. Wivine Mumba Matipa, ministre de la Justice et Droits humains ;
  2. Louise Munga Mesozi, ministre du Portefeuille ;
  3. Géneviève Inagosi, ministre du Genre, famille et Enfant.
Le reste des membres de ce gouvernement sont :
  1. Affaires étrangères, Coopération internationale et Francophonie : Raymond Tshibanda ;
  2. Intérieur, Sécurité, Décentralisation et Affaires coutumières : Richard Muyej ;
  3. Plan et suivi de mise en œuvre de la révolution de la modernité : Célestin Vunabandi ;
  4. Economie et commerce : Jean-Paul Nemoyato ;
  5. Transport et Voies de communication : Justin Kalumba Mwana Ngongo ;
  6. Environnement, Conservation de la nature et Tourisme : Bavon N’sa Mputu Elima ;
  7. Ressources hydrauliques et électricité : Bruno Kapanji Kalala;
  8. Hydrocarbures : Crispin Atama Tabe ;
  9. Industrie, Petites et Moyennes Entreprises : Remy Musunganyi Bampale ;
  10. Postes, Télécommunication et Nouvelles technologies : Tryphon Kin-kiey Mulumba ;
  11. Emploi, Travail et Prévoyance sociale : Modeste Bahati Lukwebo ;
  12. Santé publique : Felix Kabange Numbi
  13. Enseignement supérieur et universitaire : Chelo Lotsima ;
  14. Agriculture et Développement rural : Jean-Chrysostome Vahamwiti ;
  15. Affaires foncières : Robert Mbuinga ;
  16. Affaires sociales, Actions humanitaire et Solidarité nationale : Charles Nawej Mundele
  17. Fonction publique : Jean Claude Kibala ;
  18. Jeunesse, Sport et Loisirs, Culture et Arts : Banza Mukalayi Sungu
Ce gouvernement compte aussi huit vices-ministres, dont trois femmes :
  1. Affaire étrangères : Tunda wa Kasende ;
  2. Coopération internationale : Dismas Magbengu ;
  3. Décentralisation et Affaires coutumières : Eugide Ngokoso ;
  4. Droits humains : Sakina Binti ;
  5. Plan : Sadok Bukanza ;
  6. Finances : Roger Shulungu ;
  7. Budget : Abuyuwe Lixa ;
  8. EPSP : Maguy Rwakabuba.
Observation critique :

Le nouveau gouvernement présente quelques points marquants par rapport à ceux qui l’ont précédé durant la première législature, mais je note les principaux (à mon sens) :
  1. C’est un gouvernement réduit (10 membres de moins par rapport à celui de MUZITO) ;
  2. Le PPRD (parti du Président Kabila) se taille la part du lion dans ce gouvernement, et le PALU de Gizenga est en réel déclin, au profit de partis moins connus comme le MSR ;

Autre constat :
-         Aucun membre de l’opposition n’y est entré (l’ADR de François Mwamba y a deux membres, mais rien n’indique qu’il est encore un parti de l’opposition, depuis le rapprochement de son leader avec le camp de la Majorité Présidentielle), ce qui tranche avec les promesses d’ouverture de Monsieur Kabila lors de son discours d’inauguration, en décembre dernier ;
-         Le nombre des femmes n’atteint toujours pas les 30 pourcent (seulement 6 femmes sur 36 membres) ;
-         Le retour d’anciens membres du gouvernement Muzito n’est pas étonnant, mais celui particulier de Monsieur Lambert Mende Omalanga l’est : s’il y avait des sondages sur les personnalités publiques les plus détestées des Congolais, je suis presque sûr qu’il viendrait parmi les premières. Il s’est distingué en effet par ses mensonges patents, ses frasques verbales, sa virulence et ses décisions aussi arbitraires qu’impopulaires (fermeture de médias, interdiction des SMS, propos discourtois, voire injurieux à l’endroit des journalistes, des défenseurs des droits humains ainsi que des personnalités étrangères, …). Son retour ne va plaire ni à l’opposition, ni à la société civile, ni aux journalistes, ni même à certaines puissances étrangères comme la Belgique. Il aurait dû rester au Parlement où il s’était trouvé une place, plus ou moins loin de nos oreilles et de nos regards…

Malgré des points négatifs, je pense qu’il y a une chance à ce que ce gouvernement peut faire la différence, et sauve la face de Kabila salie par une sale élection.

Cependant, je ne suis pas certain que le critère de l’intégrité ait été pris en compte.
Parmi les défis urgents qui l’attendent figure notamment le vote du budget 2012 et le retour de la sécurité à l’est du pays (au Nord-Kivu, en particulier).  

mercredi 25 avril 2012

Le Kivu, ça sent une nouvelle guerre !

On croyait les démons d'une nouvelle guerre éloignés du Kivu avec la récente descente du Président Kabila à Goma et Bukavu, et les vagues de retour ou d'arrestation de certains militaires insurgés, il n'en est apparemment rien...

De nombreux officiers FARDC anciens du CNDP sont retournés dans la brousse dans le territoire de Masisi. Une vingtaine plus précisément, et quelques centaines d'hommes de troupe, d'après mes sources. Parmi ces officiers se trouvent les Colonels MUTONI, NGARUYE et Innocent ZIMURINDA (ce dernier est très connu à Goma). Avec les militaires restés loyaux aux FARDC, ils se regardent en chien de faillance. Ce mercredi, ils se sont même accrochés, et les combats ont fait plusieurs morts parmi les FARDC. D'après la radio onusienne Okapi, des centaines de milliers de déplacés fuyant les affrontements ou la tension sont déjà signalés.

D'après une source proche du CNDP, la guerre ouverte n'est plus loin. Les militaires ex CNDP sont hostiles à l'idée de les déployer dans d'autres provinces. Le CNDP aurait meme menacé le Présedent Kabila de quitter sa coalition politique et de rejoindre l'opposition en s'alliant à l'UDPS de Tshisekedi, afin de "réclamer la vérité des urnes". C'est une menace grave qui, si elle venait à se concrétiser, donnerait au viel opposant la force militaire qu'il lui manque pour imposer le pouvoir qu'il clame détenir à la suite des dernières élections.

Les Mayi-Mayi alliés aux FDLR ne sont pas loin du décor. Hier mardi ils ont attaqué des positions des FARDC dans plusieurs localités du territoire de Masisi. Toujours d'après nos sources, ils seraient décidés à descendre jusqu'à Goma pour, semble-t-il, "corriger Kabila". Le corriger pour quelle erreur? Je ne saurais le dire. Mais quand on vit dans cette région, ce ne sont pas des rumeurs que l'on prend à la légère. Etant donné la fébrilité - et maintenant les défections au sein des FARDC, tout est possible; tout peut arriver et n'importe quand.




Dans l'ordre de cette tension grandissante au Kivu, signalons que lundi dernier, deux colonels des FARDC (CHUMA BALUMISA et PILIPILI) ont été tués dans une embuscade tendue par des éléments du rebelle Janvier dans le territoire de Walikale. L'attaque a fait sept autres morts parmi les FARDC, ainsi que plusieurs blessés. Les cadavres de ces officiers ont été amenés à Goma mardi pour y être enterrés.

Pendant ce temps à Fizi et Mwenga dans le Sud-kivu, des affrontements violents opposent les Mayi-Mayi aux FARDC. En tout cela c'est la population civile qui paie le tribut. Notre économiste de nouveau Premier Ministre Matata Ponyo saura-t-il mettre fin à cette "inflation" de tension et de violence? Attendons voir...    

mercredi 18 avril 2012

« Debout Congolais !» A quand ?


L’hymne national de la RDC a pour titre : « Debout Congolais !». Je me pose souvent la question de savoir si c’est une exhortation faite aux Congolais à se mettre debout, ou si c’est le constat, l’affirmation que les Congolais sont debout. Franchement, je n’ai pas de réponse toute faite.

Pour l’instant, je préfère penser que c’est les deux choses à la fois : un constat, partant de notre indépendance (formelle) acquise le 30 juin 1960 – non sans sacrifices ; et une exhortation à se mettre debout afin d’affronter les défis de notre souveraineté, de notre prospérité, et de notre bonheur collectif. 

Je me figure la position debout comme celle d’un homme (ou d’une femme) vigoureux, en bonne forme, fort, et pourquoi pas courageux, intrépide, déterminé ; un être dressé devant ses défis et prêt à les affronter. A contrario, un homme couché ou assis c’est un homme malade, paresseux, impuissant, voire mort, tout simplement. 

Beaucoup de Congolais connaissent cet hymne par cœur. On le chante depuis l’école maternelle jusqu’à l’université ; on l’exécute à toutes les occasions officielles ; mais Dieu sait combien l’intériorisent et méditent sur son contenu. Je pense en particulier aux intellectuels et aux pseudo-intellectuels dont le pays regorge, et qui sont censés être, non seulement le moteur de la relève du Congo, mais aussi les éclaireurs des millions de Congolais moins chanceux qui n’ont pas eu accès à l’instruction. Je pense aussi à ces politiciens qui se proclament patriotes, mais dont les actes trahissent au quotidien les idéaux nationaux en partie scandés dans notre hymne national. 

Mon intention n’est pas de condamner : cela ne servirait à rien. Elle est plutôt d’interpeller le Congolais, où qu’il se trouve, quel que soit son rang social, sa profession, ses moyens, … à méditer sur l’hymne national au lieu de le réciter comme nous récitons le Notre Père. En chantant le Debout Congolais, tout citoyen digne de ce nom doit avoir l’esprit stimulé et sentir son cœur vibrer. Nous devons ressentir en nous ce que ressent un guerrier au combat, parce que nous avons un combat sublime : celui de notre liberté et de notre dignité à conquérir, et parce que comme le guerrier, la victoire ou l’échec dépend de chacun de nous. Nous devons ressentir au tréfonds de nous ce que ressent le poète ou l’amoureux lorsqu’il pense à son amant, parce que nous aussi nous avons un amant cher et unique : notre patrie. Ne pas lutter pour elle c’est lui être infidèle ; c’est trahir son amour et trahir le sang et le courage de ceux qui, hier, se sont sacrifiés pour notre liberté – et Dieu sait qu’il y en a !

Mais on n’est pas debout lorsqu’on est habité par la peur ; peur de s’engager, peur de dire la vérité, peur d’être libre, peur de mourir. Lorsque l’on est résigné face aux oppresseurs et aux prédateurs que sont en premier lieu nos gouvernants, qui se moquent éperdument de nos conditions de vie, de notre bien-être, de notre avenir. On n’est pas debout lorsqu’on manque d’idéal, de rêve pour soi, pour sa descendance et pour sa patrie, lorsque l’on accepte de croire que la faim, la misère, la violence sont une fatalité, et que l’on croise les bras dans l’attente d’une hypothétique providence. Non, on n’est pas debout lorsqu’on profite de la moindre occasion pour piller le pays, appauvrir ses gouvernés, opprimer les plus faibles que soi, détourner les recettes du Trésor public, commettre des injustices : on est au contraire esclave de sa cupidité, de son incivisme et de son inconscience. 

Personne ne nous rendra jamais la dignité et la liberté si nous montrons dans nos actes et nos pensées que nous y avons renoncé. Personne ne fera la bataille à notre place : ni nos gouvernants cupides et traitres, ni les faux ou vrais philanthropes occidentaux, et encore moins notre foi en Jésus, en Kimbangu ou en Mahomet ! Personne, mais alors personne n’endossera nos responsabilités. Tu n’es pas debout, le plus souple se sert de toi comme tremplin ou marchepieds et se lance vers ses propres intérêts. Plus tu restes couché ou assommé, plus il en profite ; en particulier lorsqu’il s’agit d’un pays riche en ressources comme le Congo !
Alors, mon frère, ma sœur, est-ce cela la position que tu préfères ? Celle d’un aliéné qui passe son temps à tendre les joues pour qu’on y frappe, à étaler le dos pour qu’on marche dessus, à tendre les mains pour qu’on y crache ? Est-ce cette image du pleurnicheur, du lâche, du pitoyable que tu veux continuer à véhiculer ? 

S’il vous plait ! Mettons-nous Debout pour de vrai. Nous DEVONS changer les choses, et nous le pouvons ! Nous n’avons pas à craindre la prison, les fouets ou la mort, parce qu’il vaut mieux mourir sur le front plutôt de la liberté et de la dignité, plutôt que dans la cachette humiliante et indigne de la soumission et de la résignation. Et de toutes manières, à quoi bon craindre de mourir en revendiquant son droit pour mourir d’une faim, de la maladie ou des conditions dans lesquels on est mis ? Mourir c’est mourir, c’est la cause qui fait la différence !

Enfin, mettons-nous Debout pour travailler, pour faire notre devoir, quel qu’il soit, avec courage et loyauté : les études, la fonction publique, l’entreprise privée, le petit métier, … tout participera à la nécessaire relève de la nation.  
 
Debout Congolais !!!

10 Principes pour un vrai révolutionnaire, selon moi...

1.      Avoir conscience qu’aussi petit et marginal que l'on soit l'on fais partie de la Nation : elle a besoin de chaque citoyen, comme chaque des citoyen a besoin d’elle.

2.      Savoir que la liberté, la justice et la dignité ne sont pas des cadeaux providentiels, ni de menus articles dont l'on peut se procurer à vil prix, mais des fruits qui muriront à l’ombre de NOTRE sacrifice.

3.      Aimer sa patrie et être fier de lui appartenir : elle n’est ni supérieure, ni inférieure aux autres : elle est NOTRE patrie.

4.      Avoir un grand rêve de liberté, de dignité et de bonheur pour son pays et pour son peuple : chacun de nos actes, même les plus banals, DOIT concourir à la RÉALISATION de ce rêve.

5.     Toujours avoir à l'esprit le DEVOIR ou la responsabilité avant de réclamer le DROIT, cependant les assumer tous avec la même abnégation et la même rigueur.  

6.      N' avoir peur de rien et n’attendre la permission ni l'aide de personne pour faire ce qui est par essence son devoir ou son droit : considérer l’engagement comme la voix obligée vers la rédemption politique et sociale.

7.      Ne jamais s'estimer ni comme inutile à la nation, ni comme indispensable à elle

8.      Redouter la division, la haine et les préjugés, ces armes douces qu’adulent nos pires ennemis

9.      Ne jamais céder à la fatalité et au découragement face à la pauvreté ou à la violence car rien n’est plus réjouissant ni plus confortant pour imposteurs, les prédateurs et les oppresseurs que la résignation  
 
10.   Ne trahir SA patrie pour rien au monde : ni la fortune, ni la survie, ni même la vie

dimanche 15 avril 2012

Bientôt le nouveau gouvernement.... Nouveau, vous avez dit ?

Le Président Kabila a annoncé la mise en place de son nouveau gouvernement pour la semaine prochaine (celle du 16 au 22). Que pensez-vous de ce nouveau gouvernement ? Comment pensez-vous qu'il sera constitué ? Qui serait le Premier Ministre d'après vous? Faites-moi part de vos réflexions et analyses !!!

Commission de discipline : pour quoi faire ?



En clôturant sa visite à Goma, le Président de la République a annoncé la mise en place d’une commission de discipline qui devrait entendre les militaires qui avaient fait défection, et décider du sort qui va leur être réservé entre passer devant un tribunal militaire ou …(j'imagine) bénéficier de la clémence de la hiérarchie et réintégrer l'armée.

Le code de justice militaire ne connaît pas cette procédure. Les faits qu’ils ont commis étant manifestement infractionnels, je ne vois pas pourquoi on devrait les faire passer par une instance ad hoc au lieu de les déférer directement devant la justice, quitte à ce qu’ils soient acquittés, si les conditions de leur condamnations viennent à manquer.

En fait, Kabila veut faire un arrangement « amiable » ; régler politiquement le problème,  histoire de ne pas créer de nouveaux remous qu’il pourrait ne pas être facile pour lui-même et pour les FARDC de juguler. Sauf que cette approche politique est une preuve encore une fois de fébrilité et de manque de rigueur. On ne gouverne pas un pays comme la RDC avec en permanence la peur au ventre et l’obsession de plaire à tout le monde, d’éviter les mécontentements.

Que se dira tout autre officier à qui viendra demain  l’envie de commettre une infraction ? « Il suffit que je fasse une vraie démonstration de force, on ne me fera rien même si mon audace venait à échouer. Avec un peu de chance, d’ailleurs, je serai récompensé » ! L’impunité que les gens décrient est le moyen le plus court et le plus facile que notre Président adopte pour résoudre un problème aussi sérieux que la défection et la rébellion au sein même de l’armée. Finalement, à quoi servent le Parlement, la constitution, les Codes, … si les lois ne sont que des suggestions facultatives !  

Mais bon ! C’est cela la méthode Kabila, et il n’en est pas à son premier essai ; déjà que l’affaire Ntaganda a été gérée de la même manière… Et lorsqu’il dit de ce dernier qu’il pourrait bien être jugé à Goma ou à Kinshasa, on comprend tout… Le Chef ne veut pas d’ennuis ! Hélas, je puis parier que ses ennuis se multiplieront tant qu’il n’acceptera pas de changer de méthode… 

Et puis autre chose: il se peut que cette Commission ne soit jamais mise en place. Cela ne m'étonnerait guère, moi ! 

Là encore, affaire à suivre...

C’en est pas (encore) terminé de Terminator !



Le Président de la République a terminé mercredi soir sa visite improvisée à Goma, pour se rendre à l'autre rive du majestueux lac Kivu, dans la ville de Bukavu que la crise militaire de ces derniers jours n’a pas épargné, comme on pouvait s'y attendre.

Avant son départ pour le Sud-Kivu, Monsieur Kabila s'est entretenu pendant près de trois heures avec les notables de la province, les représentants de la société civile et des « communautés » (entendez des groupes ethniques) de la province. La veille, il avait eu une autre rencontre avec le commandement militaire à l'hôtel du gouvernorat de la province, rencontre à laquelle avaient pris part les principaux responsables nationaux de l'armée, de la police et des services de sécurité, au nombre desquels le Lieutenant Général Didier Etumba, Chef d'Etat-major général des FARDC.

Le Général "Terminator" se retrouve maintenant sans job...du moins officiellement

Dans son adresse aux membres de la société civile, à la fin de leur échange, le Président de la République a annoncé la fin des opérations "Amani Leo" (Paix Aujourd'hui, en Swahili). Cette décision n'est sans doute pas anodine. Ces opérations n’avaient pour Commandant adjoint qu’un nommé Général Bosco Ntaganda, dont tout le monde sait -  même si peu sont ceux qui osent l’avouer - qu'il est au cœur de la crise actuelle dans le Kivu. Ces opérations, dont l'objectif était de traquer les forces rebelles locales et étrangères (dont les Rwandais des FDLR et les Ougandais d'ADF-NALU) étaient conduites depuis 2009, sous diverses appellations. Elles s’inscrivaient dans la suite de l’abandon par le Congrès national pour la Défense du Peuple (CNDP) de Laurent Nkunda, dont l'un des leitmotiv était justement l'élimination des forces rebelles qui insécurisaient la province et empêchaient le retour des milliers de réfugiés (en majorité Tutsi) établis au Rwanda voisin. Elles avaient été précédées par la campagne militaire rwando-congolaise baptisée "Umoja Wetu" (Notre Unité, en swahili), et qui avait été très décriée à l’époque par les organisations de défense de droits de l’homme, et divisé la classe politique congolaise. 

Les opérations "Amani Leo" étaient quasiment du domaine réservé du Général Ntaganda. Leur coordination échappait quasi complètement au commandement de la Huitième Région militaire (correspondant à la circonscription administrative du Nord-Kivu), que ce soit sur le plan opérationnel, logistique ou humain. Ce qui ne manquait pas de créer une méfiance à peine voilée entre les hommes de troupe sous l'autorité directe - et unique - de Monsieur Ntaganda, et les autres militaires. Ceci explique d’ailleurs partiellement les récentes défections et le malaise ambiant au sein des FARDC, car la plupart des militaires qui prenaient part à ces opérations étaient issus des anciens rebelles du CNDP.

En supprimant ces opérations, Kabila vient de supprimer le "job " officiel de "Terminator ", ce qui renforce des spéculations autour de la "volonté" enfin manifeste pour Kinshasa d’en finir avec ce Général aussi fameux qu’encombrant, et de livrer à la CPI qui le recherche depuis 2006. Mais contrairement à ce que j'ai pu entendre sur certaines radios internationales mercredi soir que le Président Kabila aurait "pour la première fois affirmé clairement sa volonté d'arrêter le Général Ntaganda et de le livrer à la CPI", le Chef de l’Etat a dit mot à mot : "Au sujet d'un certain Bosco Général Ntaganda, ma position demeure inchangée (...) S'il faut l'arrêter, les derniers événements nous donnent davantage de motifs pour le faire, et le juger à Goma ou à Kinshasa, sans qu'il ne soit même nécessaire de le transférer à la CPI (...)". Il l’a dit en Swahili, et c'est peut-être dans la traduction que les journalistes se sont mordus, à moins qu'ils ne racontent ce qu'ils voudraient bien qu'il se produise…

Des rumeurs courent à Goma sur la retraite de Ntaganda dans son fief de Masisi. Officiellement, c’est le mystère - c’est à croire que le seul fait de penser à lui ou de prononcer son sacré nom fout la trouille à certains. En tout cas, il ne faisait pas partie des commandants militaires qui ont pris part mardi à la rencontre avec le Chef de l'Etat, bien que des rumeurs - encore elles ! - aient couru selon lesquelles le Président Kabila serait allé le rencontrer en privé dans la soirée de mardi, au sortir de son tête-à-tête avec les autres officiers.

En somme, certes signes qui ne trompent pas indiquent que l’arrestation de Ntaganda est (peut-être) dans l'air du temps ; mais le Kabila que j’ai suivi n'a pas dit expressis verbis qu'il allait le faire. Même s'il a minimisé la pression internationale - et nationale ! - qui est exercée sur lui pour exécuter le mandat d'arrêt de la CPI, Kabila sait qu'il va devoir le faire. Quand ? Comment ? C'est sans doute ce qu'il reste à fixer. Car Ntaganda n’est pas un menu fretin que l’on pêche à n’importe quel hameçon ! Ceux qui l’ont côtoyé - amis ou ennemis - disent de lui qu’il est un combattant redoutable et un fin stratège. Sans oublier que bien au-delà des apparences, il a certainement encore beaucoup de soutiens, à Goma comme ailleurs. Le surnom de "Terminator" n'a pas pu lui revenir gratuitement...

Affaire à suivre...

mercredi 11 avril 2012

Kabila sera-t-il à mesure de se racheter aux yeux des Congolais ?

Les élections présidentielle et législative du 28 novembre dernier en République Démocratique du Congo ont été marquées par de très graves irrégularités dues à une organisation catastrophique de la CENI – la Commission électorale nationale « indépendante » –, mais surtout à la volonté manifeste, pour le Président Kabila et son camp, de se maintenir au pouvoir, quels que soient les moyens nécessaires à cette fin.
L es observateurs électoraux nationaux et étrangers sont unanimes quant à ce, même si ils n’ont pas eu tous le courage de tirer les conclusions qui se dégagent logiquement de leurs constats : que ces élections auraient dû été reprises. Le dernier rapport en date est celui de la Mission d’observation électorale de l’Union européenne rendu public à Kinshasa la semaine dernière. 

Ceux qui comptaient sur le peuple Congolais pour le voir se lever et réclamer que les élections soient réorganisées ou, à tout le moins, les votes recomptés, ont dû déchanter. (Je blâmais tout à l’heure les observateurs de ne pas avoir tiré la conclusion la plus logique de leur constat, mais j’avoue que les Congolais sont les premiers à blâmer pour leur lâcheté, leur attentisme ou leur fatalisme). Aujourd’hui le fait est que Kabila a le pouvoir, et qu’il a une majorité confortable à l’Assemblée nationale – épargnez-lui des scrupules, il n’en a que faire. 

Cependant, il sait pertinemment bien qu’il n’a pas la même légitimité que celle qu’il avait au cours de son premier mandat. D’une manière ou d’une autre, il est donc on ne peut plus vulnérable aux pressions tant intérieures qu’extérieures. S’il se trouve que ce que j’appelle de la résignation de la part du peuple ne soit qu’un simple manque de rigueur, il n’est pas impossible que demain, la moindre erreur de la part du Président ou de son gouvernement suffise à déclencher la bombe révolutionnaire. 

Car en effet, le peuple a trop toléré : d’abord la révision constitutionnelle de janvier 2011 ; ensuite les dérapages dans la révision du fichier électoral ; enfin l’inévitable : des élections chaotiques et leurs aberrants résultats. Sera-t-il capable de supporter une gestion calamiteuse de l’Etat comme celle ayant caractérisé la première le premier mandat de Kabila ? Les députés nationaux, quoique mal élus pour la plupart, commettront-ils les mêmes erreurs que leurs prédécesseurs, en se compromettant et en se montrant complaisants vis-à-vis du gouvernement ? Rien n’est moins sûr. Non seulement la conscience politique s’éveille petit à petit, mais aussi Kabila en est – sur le papier – à son dernier mandat. Même les plus premiers des opportunistes pourraient rompre avec lui sans craindre pour leur avenir, parce qu’il en a pas, ou parce qu’il en a moins. 

Monsieur le Président, ressaisis-toi tant qu’il est encore temps !

Le Président Kabila a deux possibilités : soit continuer de considérer les Congolais comme des idiots, qui ne sont conscients de rien, n’exigent rien, sont amorphes ; soit alors tirer parti de leur clémence et user de son nouveau mandat, même mal acquis, pour redorer son nom devant l’histoire. Les Congolais ont ceci de vertueux qu’ils ne sont pas rancuniers. Ils feraient vite de lui pardonner et se mettraient derrière lui pour tenter de rattraper le temps perdu, ne serait-ce que le temps d’un quinquennat.

Vous vous demandez comment ? Lentement, j’y arrive… Kabila a fait le tour de la RDC. S’il a la mémoire d’un homme moyen, il se rappelle sans doute les cris de la population à Goma, Kindu, Mbandaka, Walikale ou Kinshasa. Il doit songer à apaiser les mécontentements, à répondre aux attentes de la population congolaise et non à celles de ses flatteurs de conseillers, ses propres désirs ou ceux des ses parrains d’ici et d’ailleurs (depuis 2001, il me semble qu’il n’a fait que ça).  Pour cela, je lui suggérerais de : 

1.       Commencer par faire un choix judicieux de son gouvernement et de ses collaborateurs 

Par choix judicieux j’entends un choix qui tient compte, non pas seulement des considérations d’ordre politique (alliances, népotisme, amitiés, recommandations, récompenses, …), mais de :
-          La compétence : des personnes aptes à remplir le plus efficacement possible et en peu de temps les fonctions qui leur seront confiées ;
-          La parité : faire recours aux compétences des femmes (Dieu sait qu’il y en a), en leur octroyant, au sein du gouvernement, au moins 30% des postes tel que la constitution le prévoit ;
-          L’intégrité : travailler avec des hommes et des femmes à la moralité irréprochable, et non pas les cupides, les voleurs et les flatteurs d’hier ; 

2.       Ensuite assurer une gestion orthodoxe et transparente de l’Etat

Kabila devrait, s’il est malin, se doter d’un gouvernement très réduit, mais  fait de personnes compétentes, loyales et assidues (la qualité plutôt que la quantité). Je verrais bien un gouvernement composé en tout et pour tout de 35 ministres, vice-ministres et secrétaires d’Etat !  Eh oui, parce que la décentralisation devrait tout simplifier, avec des exécutifs provinciaux qui ont des attributions réelles. Il y a eu par le passé des ministères inutiles juste pour « contenter, donner du gâteau à tout le monde ». 

Il devrait en faire autant pour son cabinet (qui était plein de conseillers aussi voraces qu’encombrants), celui du Premier ministre et ceux des ministres. Puis réduire son propre salaire et celui de tout le gouvernement. Il devrait aussi réduire les dépenses de fonctionnement du gouvernement et des autres institutions publiques (nombre des déplacements à l’étranger, voyages en classe d’affaire, voitures de luxe, réceptions somptueuses, cadeaux faits aux hôtes étrangers, …). Enfin, il devrait faire la déclaration de son patrimoine familial (j’entends le faire connaître au public) et demander aux membres du gouvernement d’en faire autant. Et, plus généralement, mettre de la transparence dans la manière dont la chose publique est gérée (concessions minières, pétrolières, forestières ; recettes des régies financières, adoption et exécution du budget, aide étrangère, …). 

3.       Enfin, naturellement, se mettre sérieusement au travail

Sans ces bases je ne vois pas comment Monsieur Kabila pourrait prétendre mieux gouverner et servir l’intérêt de la nation. Par contre, si cela est fait, il peut espérer regagner la confiance du peuple et l’amener à collaborer à son œuvre. Mais dans la manière de travailler, il y a également lieu de revoir les priorités et de définir les meilleures stratégies, parce que les cinq dernières années on a eu l’impression que l’Etat fonctionnait sans véritable planification, sans objectifs prédéfinis, dans l’anarchie. Un ministre se réveille un matin et décide d’acheter des tracteurs et de les distribuer. A qui ? Pour quelle fin ? Est-ce utile ou nécessaire ou prioritaire ? Non, il ne se pose pas de question et gère les problèmes coup après coup. 

Ainsi donc, je pense que Monsieur Kabila devrait prioritairement trouver le moyen de doter le pays d’un programme national de développement à moyen ou à long terme, avec des objectifs concrets et chiffrés et un timing clair. Son histoire de « révolution de la modernité » est aussi indigeste– en termes de sémantique – que creux à mon goût (et je ne connais personne qui comprenne ce que ce charabia voudrait dire). Je crois qu’il valait mieux encore les « Cinq chantiers », bien qu’ils n’ont pas non plus convaincu grand monde, une fois encore à cause du manque de planification et de définition préalable des objectifs. 

Je ne crois pas qu’il s’imagine qu’après lui la RDC va cesser d’exister, et que du coup il serait inutile de faire une planification sur une période 15, 20 ou 30 années ! Un tel plan, s’il était bien conçu, motiverait pourtant la nation entière et ferait rêver – oui, j’ai bien dit rêver – d’un avenir meilleur, unissant les Congolais autour d’une sorte d’idéal commun. 

Le discours inaugural du Président Kabila en 2006 en avait inspiré plus d’un congolais : tolérance « zéro » contre la corruption et l’impunité, gestion parcimonieuse de la chose publique, bonne gouvernance, … Nous avons été déçus, parce que rien de concret – ou  presque – n’a suivi. S’il peut ENFIN réaliser ces vœux, ce serait un excellent rattrapage. 

Bref, si Kabila peut mettre à profit ce quinquennat pour résoudre – ou tout moins amorcer la résolution – des questions ci-après, il pourrait trouver rémission dans le cœur des Congolais, et entrer dans l’histoire : 

a)      Créer une nouvelle armée, une nouvelle police et de nouveaux services de renseignement (pas réformer, mixer ou je ne sais quelle autre foutaise) républicains, susceptibles de veiller à l’intégrité nationale et à la sûreté des personnes et de leurs biens ;
b)     Renouveler l’administration publique, la rendre effective sur l’ensemble du territoire national et efficiente en termes de moyens humains, matériels et techniques ;
c)      Combattre énergiquement et sans complaisance la corruption, les fraudes, les détournements, la concussion et autres pratiques similaires, en sanctionnant sévèrement leurs auteurs et leurs complices, quel que soit leur rang, et en mettant les fonctionnaires dans des conditions acceptables ;
d)     Encourager la décentralisation, telle que prévue par la constitution, au lieu d’y faire des obstacles. En particulier, laisser les provinces retenir à la source 40% de leurs recettes, et rendre rapidement effective la Caisse nationale de péréquation ;
e)     Prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer une gestion rationnelle et avantageuse au pays de toutes les ressources naturelles et pour permettre la répartition équitable de leurs revenus ; 
f)       Poser les bases d’une économie solide et durable, en mettant notamment l’accent sur l’agriculture, le tourisme, l’industrie nationale de transformation  et les infrastructures (chemins de fer, routes, ports, aéroports, télécommunications, bâtiments administratifs, eau et électricité, …) ;
g)      Marquer de réels progrès, sur l’ensemble du pays, dans le domaine social, avec une attention particulière sur l’éducation, la santé et l’emploi.  

C’est, me direz-vous, beaucoup trop de choses pour cinq ans. Il s’agit de poser des bases. Pour certaines choses, il suffit de les vouloir. Je crois donc que ceci est possible, si l’on a de l’ambition et la volonté. Le Congo a tous les atouts nécessaires, et on connaît des pays qui ont su opérer de véritables « miracles économiques» en très peu de temps. Pourquoi pas la RDC ? Vous convenez avec moi que les cinq dernières années n’ont été que gâchis et perte de temps. Kabila nous a fait perdre notre temps, il nous doit de le rattraper, et vite, sous peine de…  eh bien sous peine de dégager à tout jamais de notre vue et de notre mémoire!   

Note : Dans les tout prochains jours, je vais adresser, au nom de CIVIS CONGO asbl, l’association dont je suis le Coordonnateur,  une lettre ouverte au Président Kabila, dans le sens de ce qui est développé dans cet article. Si vous souhaitez y apporter quelque contribution, merci de m’écrire.

lundi 9 avril 2012

Pâques au rythme des bottes au Nord-Kivu

Les nord-kivutiens ont passé Pâques dans un climat de peur et de violence. Il est signalé dans tous les coins de la province une série d'incidents violents qui ont fait vite de ressusciter les souvenirs encore frais des rébellions.

A Goma, un couple a été attaqué dans la matinée de ce dimanche de Paques. Madame Muhozi Jeanne, commerçante bien connue dans la ville, et son mari Valentin Twagirayezu ont vu des hommes armés faire irruption dans leur parcelle vers 8heures, tirer plusieurs balles, avant de monter tranquillement dans leur 4x4 et de s'évanouir dans la nature. Le couple a survécu, mais ils sont actuellement en soins dans un hôpital de la place, car ils sont grièvement blessés.

Pendant ce temps, à Bunagana, petite ville située à une centaine de kilomètres au nord de Goma, à la frontière avec l'Ouganda et ancien bastillon du CNDP de Nkunda, des affrontements violents ont opposé dans la matinée les dissidents du 805 ème Régiment dirigés par le Colonel Innocent KAHINA aux FARDC (Forces armées de RD Congo). La cité serait tombée entre les mains des dissidents avant d'être reprise à la mi-journée grâce à une intervention partie de Rumangabo, et conduite par le royaliste colonel Yav. La population a dû fuir vers l'Ouganda voisin. Aucun bilan de ces affrontements n'a été fourni. On sait par contre que ces mutins qui étaient basés à Rutshuru (camp de Nyongera, près de Kiwanja) ont la veille pillé le dépôt de munitions et brûlés ce qu'ils n'ont pas pu emporter, avant de prendre le chemin de Bunagana, via le groupement de Busanza.

A Walikale, des affrontement sont signalés sur plusieurs fronts, à Kibua, Isangi, et dans d'autres villages entre des FDLR et la milice Rahiya Mutomboki, et entre les FARDC et la milice des Guide. Comme toujours, la population est obligée de se réfugier dans la forêt et dans la province voisine du Maniema. A Masisi, dans le groupement Ufamandu, la société civile signale le massacre de plusieurs personnes par des hommes en arme et appelle les autorités militaires à parer à la carence de militaires royalistes dans le milieu.

A Butembo, dans le grand-nord, la population a enterré Monsieur Zawadi Kambale, fameux gardien de but d'une équipe de foot locale, qui a été assassiné la veille de Pâques. Tableau sombre pour une journée normalement somptueuse, et pire, les lendemains du nord-kivu sentent davantage des bruits de bottes. Pendant ce temps, il y en a de nos foutus dirigeants qui sabrent le champagne, insouciants !

vendredi 6 avril 2012

Le Gouverneur Julien P. KAHONGYA : un drôle de génie !


Avril 2012. La saison des pluies bat son plein à Goma. La nuée de poussière jaune dans laquelle vit le million d’habitants de la capitale provinciale du Nord-Kivu depuis plus d’une année est momentanément remplacée par la boue, les marres d’eau, des milliers de nid-de-poule sur ce que nous appelons pudiquement des « routes », et des immondices que drainent les torrents d’eau à leur passage.

Notre Gouverneur se nomme Julien PALUKU KAHONGYA. Il est en place depuis 2007 comme premier gouverneur élu du Nord-Kivu, et naturellement, il a sa résidence officielle dans la ville. A Goma, tout le monde sait quand le Gouverneur passe : 4x4 aux vitres teintées roulant à 100km à l’heure, convoi de policiers armés jusqu’aux dents, phares allumées, klaxons à tue-tête, sirènes… Si vous avez le malheur de vous trouver sur la voie, vous vous trouvez enveloppé dans une nuée de poussière ou alors éclaboussé de boue et d’eau sale selon qu’il a plu ou que le temps est sec.

Ça doit lui faire un drôle de spectacle à lui, hein ! Tous ces gens qui s’arrêtent à son passage, la main collée au nez ou le dos tourné ; les motards qui chancellent sur leurs engins instables, les badauds qui accourent, les policiers de roulage au garde-à-vous, … Vous savez, la sensation d’un pilote professionnel zigzaguant dans le désert au volant de sa jeep 4x4 !

Attendez ! Il se peut que je me trompe. Notre Gouverneur a dû lire la constitution et connaît ses attributions et ses responsabilités au bout des doigts. Il a la mémoire fraiche et se rappelle sûrement les promesses faites à ses électeurs lorsqu’il demandait leur vote. Je suis sûr qu’il a un poste radio et un écran de télévision grâce auxquels il est quotidiennement au parfum de l’actualité de sa juridiction ; il a des services et des conseillers qui l’informent des humeurs et des attentes de sa population. Et puis il a voyagé. Il a beaucoup sillonné le monde, Monsieur Kahongya : Corée du Sud, Etats-Unis d’Amérique, France, Allemagne, Afrique du Sud, … Il a des éléments de comparaison entre la situation de ses administrés et celle des autres peuples à travers le monde.

Ainsi, il a lancé il y a de cela plus d’une année les « travaux de modernisation de la voirie urbaine de Goma », en grande pompe, à bord d’un bulldozer, devant caméras et curieux. Et depuis plus d’une année, les résultats sont là, flatteurs pour lui : Goma a les allures d’un véritable désert. Je crois que son ambition était de faire de la ville touristique une destination de premier choix pour les randonneurs du désert et, avec quelque chance, de ravir l’organisation du rallye Paris-Dakar à Buenos-Aires. Pas mal !

Une idée saugrenue : des passerelles au-dessus de la boue

En attendant l’arrivée des compétiteurs internationaux, notre lutin de Gouverneur vient d’imaginer une astuce pour « épargner les piétons de Goma d’accidents et autres inconvénients d’une circulation intense » : la construction de passerelles pour piétons sur les principaux carrefours de la ville. Il s’agirait d’une espèce de pont métallique, à 6 mètres de hauteur, dont le coût serait de quarante mille dollars (chez nous tout se compte en dollars, hein !).

Bon ! Je vais m’arrêter là de faire le Mamman. Je déteste les ironies. En fait, notre Gouverneur est incapable de mener au bout le « chantier » des routes de la ville, lui qui a rasé sans réfléchir le vieux et maigre héritage des années Mobutu. Comme s’il ne connaissait pas la constitution, il attribue la responsabilité au gouvernement central. Ce dernier garde un silence de mort sur la question. Peu avant les dernières élections, l’entreprise chinoise qui est censée exécuter les travaux avait asphalté en toute hâte quelque 2km de route, à partir de la frontière rwandaise jusqu’au centre ville, sans doute pour apaiser la population. Depuis, plus rien. Ou presque.

De nombreuses fois des franges de la population se sont levées pour réclamer la poursuite ces travaux, dénonçant les conséquences du mauvais état des routes de Goma sur la santé des personnes, la marche des affaires, et même l’image de la ville et du pays, mais soit on les a réprimé violemment, soit on s’est empressé de les traiter d’ennemis de la paix et de leur coller des étiquettes politiques ou ethniques de toute sorte.

L’Union Européenne a récemment déclaré qu’elle était prête à financer la construction de 30km de routes à Goma, à condition que les autorités congolaises mettent de l’ordre dans les choses (il y a des choses que les diplomates ne disent pas en public, et des mots qu’ils évitent tout simplement !). Au lieu de cela ; au lieu de « mettre de l’ordre », d’éclairer la population sur les raisons de l’arrêt des travaux confiés aux Chinois, de faire ce qui est en son pouvoir pour que les routes de Goma soient construites rapidement, Monsieur KAHONGYA opte pour des parades et des échappatoires « en l’air ». Une passerelle, c’est bien beau. Mais pas au-dessus de la boue ! Encore qu’à l’endroit où il va faire construire cette passerelle, il est de l’avis de nombreuses personnes qu’un rond-point conviendrait mieux et suffirait.

Je ne sais pas ce qu’il en est de la responsabilité du gouvernement central. Ce qui est sûr c’est que la construction des routes d’intérêt provincial et local est de la compétence exclusive des exécutifs provinciaux, d’après l’article 204 Points 11 et 24 de la constitution. Les provinces ont le droit de retenir à la source 40% des recettes réalisées dans leur ressort, justement pour la conduite de tels projets. Si cela n’est pas fait, il est de mon avis que la responsabilité incombe avant tout au Gouverneur, et il ne peut pas tirer des excuses de sa propre incompétence ou son irrespect de la constitution. Il peut à tout le moins démissionner pour montrer qu’il n’est pas d’accord avec ceux qui, au niveau central, violent la constitution et l’empêchent de mener à bien sa politique.

Mais le fait est qu’ils sont tous les mêmes, gouvernement central et gouvernement provincial. Ils ont d’autres préoccupations que le bien-être de la population. La loyauté du gouverneur vis-à-vis du Président de la République est nettement plus importante à ses yeux que celle, dérisoire, vis-à-vis de ses gouvernés. En conséquence, ces derniers sont sacrifiés, à l’autel des intérêts et des calculs individuels, des alliances politiques et des influences transcendantes.

On aura tout vu…

Dans son discours à l’occasion du lancement en grande pompe (comme toujours) de ce projet aussi fou qu’irréfléchi, notre génie de Gouverneur n’a pas manqué de souligner que l’idée lui avait été inspirée lors de ses voyages à l’étranger. Pathétique, vous ne trouvez pas ! Où a-t-il vu une passerelle au-dessus d’une piste qui ressemble plus à une carrière de mines qu’à une route ? A Séoul, à Washington, à Durban ? Ah ! Peut-être bien à Kinshasa, chez ses mentors…

J’espère seulement que les Congolais comprennent ce que tout ceci signifie : on se moque de nous.  Cher compatriote, pire que de ne pas dénoncer ce genre de politiciens, c’est de les reconduire au pouvoir ou de flatter leur ego en applaudissant leurs discours. N’attendez pas que Son Excellence se confesse : ne vous a-t-on pas dit que le ridicule ne tue pas ! Surtout lorsqu’il s’agit de politiciens Congolais…


mercredi 4 avril 2012

La politique « au nom » des communautés : quelle bassesse !

(Note de l’auteur : J’exprime ce que je crois, en âme et conscience. Je ne suis tributaire de personne, et je ne défends que la vérité et l’objectivité, tant pis si cela froisse certains. Vous n’êtes pas d’accord avec moi ? Au lieu de m’en vouloir, vous seriez honoré de me contredire, de me faire des remarques ou des corrections, d’élargir le débat… C’est cela la culture des gens civilisés !)

Un mal Congolais

En RDC, les politiciens de tous bords ont coutume d’instrumentaliser les communautés tribalo-ethniques pour réaliser leurs plans machiavéliques, ou les monter contre les communautés sœurs. Pour eux, seule la fin importe. Les conséquences, ils s’en moquent, d’autant d’ailleurs qu’eux-mêmes et leurs proches directs sont souvent à l’abri lorsque le pire se produit.

Les dernières élections (novembre 2011) n’ont pas échappé à cette règle, quoique quelques signes d’une prise de conscience par une certaine population du danger que comporte la « communautarisation des problèmes » politiques aient été constatés. On a vu ou entendu des politiciens faire leurs calculs en fonction de l’importance numérique de leur tribu ; des partis politiques monolithiques ; des discours à la gloire de tel groupe et la calomnie de tel autre ; etc.  

D’emblée, qu’il soit entendu que je ne nie pas l’existence des tribus ni le droit qu’a toute personne de s’identifier à un groupe ou à un autre. Ce que je trouve ignominieux et ridicule, c’est d’exploiter les tribus à des fins politiques, ou encore de prendre l’opinion d’une personne ou d’un groupe restreint de personnes pour en faire celle de toute une communauté.

Des conséquences tragiques  

Ce jeu malsain et cynique a conduit aux pires tragédies dans l’histoire du monde. Ces dernières années, la région des grands lacs et la RDC ont eu leur part d’expérience funeste. (On est au mois d’avril : le 6 avril 1994, une horreur sans nom s’est abattue sur le Rwanda voisin, et a débouché sur les massacres d’un million d’âmes, souvent innocentes, et engendré d’autres conséquences politiques et humanitaires dont on peine encore à se remettre, 18 ans plus tard). Mais on dirait que les gens ont la mémoire courte…

Ce n’est pas la «communauté » Tutsi prise dans le piège

J’ai lu hier une lettre ouverte datée du 15 mars 2012, adressée par « la communauté Tutsi du Nord-Kivu » à Monsieur le Secrétaire Général des Nations-Unies, au sujet de l’affaire Bosco Ntaganda. Je ne trouve pas les mots justes pour dire combien le contenu de cette lettre m’a scandalisé ! Sans revenir sur les nombreuses incorrections et le caractère trop léger à mon goût pour une lettre adressée à une autorité d’un tel rang, j’ai particulièrement été attiré par les aspects ci-après :

-         Un groupe d’individus (six, pour être précis) s’arroge le droit de parler au nom de toute une communauté. De qui tiennent-ils ce droit ? Quelle est leur légitimité ? Qui ont-ils consulté ? Je parie que le pauvre berger Tutsi qui est dans le fin fond de Masisi ou dans le froid de Jomba ; la paisible paysanne qui est actuellement occupée à planter ses haricots au pied du Nyiragongo ; peut-être même mon ancien enseignant des mathématiques à Goma,  n’en sauront jamais rien.   Pourtant si demain une guerre éclate ; si demain des soi-disant leaders d’autres communautés décident de prendre le contre-pied des menaces à peine voilées qui y sont faites et d’attaquer, ce seront eux les premières victimes.

-          La récupération à je ne sais quelles fins d’une question qui, à ma connaissance, n’est que judiciaire : dans cette lettre, les auteurs font l’apologie des actes de Monsieur NTAGANDA, le traitent de « héro de la communauté », puis déduisent qu’il ne devrait pas faire l’objet d’un mandat d’arrêt ; que le poursuivre serait s’attaquer à toute sa communauté. Ils accusent les chancelleries occidentales, les ONG et les détracteurs de NTAGANDA de voir en ce dernier, non pas un officier de l’armée soupçonné de crimes, mais un Tutsi. Ma foi, je n’ai jamais entendu rien de tel. Evidemment, si cela était vrai, ce serait un excès condamnable. Mais le problème, c’est qu’ils ne citent aucun exemple concret, et se contentent de victimiser « leur » communauté, et de justifier les crimes que NTAGANDA pourrait avoir commis par la frustration.

-          L’impertinence : tout en reconnaissant que la responsabilité pénale est individuelle et que la CPI est une institution censée contribuer à la consolidation de la paix dans le monde, les auteurs s’emploient à démontrer que puisque NTAGANDA aurait joué un rôle « déterminant » dans le processus de paix à l’Est de la RDC, alors il ne mérité pas de faire l’objet de poursuite. Attendez ! Les crimes d’hier peuvent-ils s’absoudre par les actes de bonne volonté, ou même héroïques d’aujourd’hui ? Je ne vois pas comment. Et même en admettant que cela constitue une circonstance atténuante (ce que je ne pense pas), il faut bien se présenter devant le juge pour pouvoir s’en prévaloir, non !

-          L’ignorance : la lettre est adressée au Secrétaire Général des Nations Unies, que les auteurs qualifient de « garant de l’ordre public international ». A ma connaissance – corrigez-moi si j’ai tort – c’est plutôt le Conseil de sécurité qui joue ce rôle. C’est encore lui qui, juridiquement, est susceptible d’influencer dans un sens ou dans un autre le comportement du Procureur de la CPI. Simple erreur, ou indifférence de politiciens, préoccupés par le seul besoin de se donner une tribune ? Je vous laisse deviner…   

C’est ignoble

Bref, je trouve malheureux que d’une part l’on se dise victime de la discrimination, et que d’autre part on veuille défendre à tout prix un individu, peut-être par le seul fait qu’il appartient à « la communauté ». S’il ne doit pas être permis de partir d’un cas négatif pour criminaliser tout un groupe, il me semble qu’il ne doive pas non plus être permis de donner une caution communautaire aux actes ou à la situation d’un membre du groupe pris individuellement.

L’actualité c’est la « communauté Tutsi », mais Dieu sait qu’ils sont rares les Nord-kivutiens et les congolais, toutes ethnies confondues, qui résistent à la tentation du préjugé et de la généralisation abusive. Les gens identifient une personne à sa tribu ou à son origine ; ils la jugent comme telle et rapportent le tout sur son groupe, ou sa région, ou sa famille, … Mais seulement les mauvaises situations. Face à un interlocuteur donné, nombreux sont les congolais qui voient avant tout sa couleur ou son ethnie, plutôt que ses qualités ou ses défauts ; ses compétences ou ses faiblesses ; etc.

Ceci ne construit pas. Ceci ne nous élève guère. Bien au contraire. L’homme – Tutsi, Nande, Hunde, Nyanga, Rega, Hutu, Blanc ou Noir – s’en trouve réduit à sa plus petite expression. C’est l’occasion des frustrations, des méfiances, d’exclusions et autres choses de ce genre, dont les Congolais ne connaissent que trop les résultats.

Je pense que c’est des comportements à bannir. Peu importe qui en est l’instigateur ou la cible, je crois que les Congolais – et surtout la jeunesse – devrait prendre ses distances face aux gens qui, sans aucune légitimité, tentent de les entraîner dans des manœuvres sans lendemain en les opposants inutilement à leurs compatriotes, directement ou indirectement. L’acte d’une seule personne de mauvaise foi peut conduire à une catastrophe collective.
  

mardi 3 avril 2012

Psychose à Goma: une insurrection en préparation ?

Des informations plus ou moins concordantes circulent à Goma et ailleurs au Nord-Kivu au sujet de la "défection" d'un certain nombre d'officiers et de militaires anciennement membres du Congrès National pour la Démocratie et la Paix (CNDP), fidèles au Général Bosco NTAGANDA.

La société civile de Rutshuru, où une tension encore plus tendue est observée depuis dimanche 1er avril après-midi, confirme ces informations et parle de la concentration des anciens CNDP à Nyongera et Katale, et parmi eux plusieurs officiers des FARDC dont les Colonels MUHIRE et le Colonel MUGABO.

Pendant ce temps à Goma, la population est sur le qui-vive, et reste perplexe face aux nombreuses rumeurs au sujet de ces mouvements des troupes loyales au général recherché. On raconte que Monsieur NTAGANDA, pris de panique suite à l'imminence de son arrestation, aurait décidé de battre en retraite et menacé de reprendre les armes contre le Gouvernement si ce dernier venait à tenter de mettre la main sur lui.

Ces derniers jours, de nombreux défenseurs des droits humains qui ont osé demander l'arrestation de Monsieur NTAGANDA ont reçu des menaces directes et par téléphone de la part de personnes anonymes, mais dont tout porte à croire qu'elles sont liées au Général. Par ailleurs, certains officiers anciens membres du CNDP qui ont accepté de se rendre à Kinshasa sur invitation du gouvernement  feraient eux aussi l'objet d'intimidations et de chantage de la part des acolytes de Bosco NTAGANDA.

Pour revenir sur les cas de défection, nous avons nous-mêmes vu des jeeps des FARDC (armée régulière) dont les immatriculations et les identifications relatives aux régiments ont été manifestement enlevées. Fait anormal, et qui ne manque pas d'alimenter des rumeurs. La Radio OKAPI (   http://radiookapi.net/actualite/2012/04/03/rutshuru-la-rumeur-dune-defection-des-militaires-issus-de-lex-rebellion-du-cndp-agite-la-population/) a fait elle aussi état des rumeurs sur une éventuelle insurrection, ajoutant que des sources militaires les confirmaient.


Affaire à prendre au sérieux, ou simple chantage pour faire obstacle à l'arrestation de NTAGANDA ? A suivre...