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dimanche 29 juillet 2012

RDC - M23 : Regard sur le fameux Accord du 23 mars 2009 entre le Gouvernement et le CNDP

Depuis plus de trois mois, la nouvelle rébellion du M23 défraie la chronique en RDC, et la situation entraînée par ce mouvement a des répercussions sur le plan régional et international.

Tout le monde sait que l’appellation « Mouvement du 23 mars » ou « M23 » fait référence à l’Accord du 23 mars 2009 dont le Colonel Sultani Makenga (officiellement à la tête de ce mouvement) et sa troupe réclament l’application, mais très peu de gens connaissent le contenu de ce fameux Accord.

Au moment où le gouvernement congolais envisage sérieusement de procéder à l’évaluation de la mise en œuvre de cet Accord sous l’égide de la communauté internationale, j’ai pensé qu’il ne serait pas inutile de proposer une sorte de résumé de l’Accord, avec quelques observations personnelles mais objectives sur certains engagements des parties Gouvernement et CNDP.

La compréhension de cet Accord est préalable à celle de la problématique que pose actuellement le M23, au-delà des considérations de l’ordre de la politique internationale qui ne définissent pas forcément les vraies pistes dans une région comme celle des Grands Lacs. La question à laquelle je tente de répondre est simple : le gouvernement de la RDC et le CNDP ont-ils respecté chacun ses engagements contenus dans cet Accord ? Dans quelle mesure ?    

Genèse de l’Accord du 23 mars

L’Accord de paix entre le gouvernement de la RDC et le Congrès National pour la Défense du Peuple (CNDP) a été signé à Goma, le 23 mars 2009. Il est le résultat de longues et âpres négociations menées tour à tour à Naïrobi et à Goma, et le point d’orgue de plus de deux ans de guerre au Sud-Kivu, puis au Nord-Kivu ; une guerre menée par le général Tutsi congolais Laurent Nkunda, au départ pour « protéger » son groupe ethnique « menacé par la présence des rebelles Hutu rwandais sur le sol congolais ».

Cet Accord a été signé sous la double facilitation de Monsieur Olusegun Obasanjo, Envoyé spécial du Secrétaire général de l’Organisation des Nations-Unies pour les Grands Lacs, et Monsieur Benjamin William Mkapa, pour le compte de l’Union africaine et de la Conférence Internationale sur la Région des Grands Lacs. Les deux personnalités qui sont respectivement les ex Présidents de la République fédérale du Nigéria et de la République Unie de Tanzanie, ont apposé leurs signatures sur le document en tant que témoins, et ont constitué le « Comité international de suivi » de la mise en œuvre dudit Accord.

L'intégralité de cet Accord peut être trouvé à l'adresse ci-après : http://afrikarabia2.blogs.courrierinternational.com/media/02/01/2360797318.pdf 

Portée de l’Accord du 23 mars

L’Accord de paix de Goma comporte 16 articles articulés autour des principaux points suivants :

-          La « transformation du CNDP » (article 1er) ;
-          La libération des prisonniers politiques [sous-entendu du CNDP] (article 2) ;
-          La promulgation d’une loi d’amnistie couvrant la période allant de juin 2003 ;
-          La mise en place d’un mécanisme national de réconciliation (article 4) et des Comités locaux de conciliation (article 5) ;
-          La création d’une « police de proximité » ;
-          L’érection du Nord-Kivu et du Sud-Kivu en « zones sinistrées » ;
-          La réforme de l’armée et des services de sécurité (article 10). 
-     Le retour des réfugiés et des déplacés internes ; 

D’autres questions concernent notamment la réhabilitation des députés provinciaux proches du CNDP qui avaient été invalidés, la réinsertion des cadres administratifs ayant adhéré au CNDP, la restitution des biens spoliés aux personnes physiques ou à des entreprises, l’accélération du processus de libéralisation des entreprises publiques, la prise en charge par le gouvernement des blessés de guerre, des veuves et orphelins des ex éléments du CNDP, de la mise en place de mécanismes efficaces de bonne gouvernance y compris celui de la certification, de l’exploitation, de l’évaluation et du contrôle des ressources naturelles ; etc.

Il est important de noter que dans le préambule, les deux parties réaffirment bien le caractère intangible et inaliénable des principes fondamentaux de la Constitution de la République,  particulièrement ceux relatifs :
-        A la souveraineté nationale ;
-        A l'intégrité territoriale ;
-        A l'inviolabilité des frontières nationales, conformément au tracé en vigueur au 30 juin 1960 ;
-        Aux droits humains, libertés fondamentales et devoirs du citoyen et de l'Etat ;
-        Au caractère républicain et apolitique des forces armées et de la police nationale.

Analyse-évaluation de quelques points importants de cet Accord

1)      La « transformation du CNDP ». Le CNDP s’engageait (article 1er) :

a.    A intégrer ses éléments de police et ses unités armées respectivement dans la Police Nationale Congolaise et les Forces Armées de la République Démocratique du Congo ;
b.    A se muer en parti politique et à remplir les formalités légalement requises à cette fin ;
c.     A poursuivre dorénavant la quête de solutions à ses préoccupations par des voies strictement politiques et dans le respect de l'ordre institutionnel et des lois de la République.

Pour cela, le gouvernement s’engageait à son tour à traiter « avec célérité » la demande d’agrément du CNDP comme parti politique. Ce qui semble avoir été fait, car le CNDP est devenu parti politique la même année 2009.

Les deux parties ont aussi accepté le principe de la participation du CNDP dans la vie politique du pays (ce qui d’ailleurs n’a rien de spécial pour un parti politique), et convenu que les modalités de cette participation seraient fixées d’un commun accord. A moins qu’il y ait des clauses non écrites, il n’est pas question pour le gouvernement d’octroyer un nombre quelconque de postes au CNDP.

L’on se souvient qu’en 2010, le CNDP avait rejoint l’Alliance pour la Majorité Présidentielle (plate-forme qui soutenait à l’époque le Président Kabila, et qui est devenue plus tard la « Majorité Présidentielle »), et que le CNDP en est resté membre jusqu’à son récent retrait au mois de mai 2012. En novembre 2011, lors des élections, le CNDP a battu campagne pour le Président Kabila. Auparavant, certains de ses membres (civils) avaient obtenu des postes importants au sein des institutions nationales et provinciales.  
  
2)      La libération des prisonniers politiques [sous-entendu du CNDP] (article 2): dans un premier temps, le CNDP devait fournir au gouvernement la liste de ces prisonniers. Ensuite, le gouvernement devait les libérer et les reconduire jusque dans leurs lieux d’habitation.

Jusqu'à l'insurrection du mois d'avril, aucun prisonnier politique du CNDP n'était connu.

3)      La promulgation d’une loi d’amnistie couvrant la période de juin 2003 (début de l’insurrection du CNDP) jusqu’à la date de la promulgation elle-même (article 3), « en vue de faciliter la réconciliation nationale ».     

Cette loi d’amnistie des « faits de guerre et insurrectionnels commis dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu » entre janvier 2003 et mai 2009, a bel et bien été adoptée le 5 mai 2009 par le Parlement, et promulguée deux jours plus tard. Il faut noter que même avant la promulgation de cette loi, une circulaire du Ministre de la Justice prise le 9 février 2009 ordonnait déjà  l’arrêt de toutes les poursuites et enquêtes qui impliquaient les membres du CNDP, notamment. L’amnistie fut accordée à « tous les Congolais résident sur le territoire de la RDC ou à l’étranger », mais elle excluait les crimes de génocide, crimes de guerre et crimes contre l’humanité.

A notre connaissance, aucun membre du CNDP n’a été poursuivi pour les faits objet de cette loi, malgré le fait qu’elle avait été à l’époque très critiquée par les organisations de défense des droits de l’homme et de la justice, comme le CIJT (Centre International pour la Justice Transitionnelle), qui la trouvaient trop ouverte, notamment parce qu’elle retenait comme faits de guerre des crimes sexuels qui n’étaient pas susceptibles de rentrer dans la catégorie des crimes internationaux. Pire, même les crimes internationaux reprochés aux membres du CNDP et bien documentés par l’ONU et les ONG n’ont pas (encore !) fait l’objet de poursuites de la part de la Justice congolaise, un peu comme s’ils avaient été amnistiés eux aussi.

4)      La mise en place d’un mécanisme national de réconciliation (article 4)et des Comités locaux de conciliation (article 5): il était prévu dans l’Accord du 23 mars 2009 que le gouvernement congolais crée une structure ministérielle responsable à la fois de la sécurité intérieure, des affaires locales et de la réconciliation. A défaut, il devait créer un Ministère spécifique ayant toutes ces matières dans ses attributions.
  
Il nous semble que ce mécanisme n’a pas été mis en place. Cependant, le gouvernement a honoré quant à ce qui est des « Comités locaux permanents de conciliation ». Au Nord-Kivu, ces Comités dont la raison d’être est de pallier à la carence en matière de prévention et de résolution extra judiciaire de conflits sont opérationnels depuis plus de huit mois, même s’il n’est pas aisé d’évaluer leur impact.

5)      La création d’une « police de proximité »: cette sorte de « local defense » connue dans certains pays anglophones africains (dont le Rwanda et l’Ouganda !) devait être une branche de la police nationale congolaise « à l’écoute et au service du peuple à la base ».

Jusqu’à ce jour, elle n’a pas encore été mise en place. Néanmoins, les éléments de police du CNDP ont été intégrés dans la PNC, et constituaient, jusqu’à l’éclatement des hostilités au mois de mars dernier, l’essentiel des forces de police déployées dans l’ancien pré-carré cndpien, à savoir les territoires de Masisi et de Rutshuru.

Le retour des réfugiés et des déplacés internes (article 6) : le Gouvernement s'est engagé à relancer « dans les plus brefs délais », les Commissions tripartites relatives aux réfugiés congolais se trouvant dans les pays voisins et à initier des actions de réhabilitation nécessaires à leur réinsertion. Les deux parties s'accordaient également à « inciter et à faciliter le retour des déplacés internes ». Le gouvernement et le CNDP avaient même pris le soin d’indiquer dans l’Accord une série de modalités pratiques successives pour la réalisation de cet engagement : identification, étude de localisation, viabilisation des zones de retour (sécurité, infrastructures, eau,…), réinsertion totale.

Il semble que ce point soit, avec celui concerne le démantèlement des rebelles rwandais, la bête noire du gouvernement congolais. Depuis 2009, très peu de réfugiés congolais sont retournés des pays frontaliers de l’Est de la RDC, et notamment du Rwanda où ils seraient plus de cinquante mille (majoritairement Tutsis). Les commissions tripartites ont été relancées, mais le résultat de leur travail laisse beaucoup à désirer. Les mécanismes d’identification, de localisation, de viabilisation des zones de retour n’ont pas fonctionné.

Dans le territoire de Masisi et, dans une moindre mesure, celui de Rutshuru, l’insécurité entretenue notamment par les FDLR et des groupes armés congolais a continué de constituer le principal obstacle au retour des réfugiés et des déplacés. Les réticences de certaines communautés congolaises à ces retours n’ont pas facilité les choses, et le gouvernement n’a pas fait grand-chose en termes de sensibilisation pour assainir les esprits. De leur côté, les membres du CNDP ont continué d’adopter des attitudes négatives qui ont dû entretenir ou renforcer la haine à leur égard et à l’égard de la communauté Tutsi à laquelle ils sont généralement identifiés.       

6)      L’érection du Nord-Kivu et du Sud-Kivu en « zones sinistrées » : le gouvernement a pris l’engagement de mettre en œuvre des projets intégrateurs et des projets de développement à haute intensité de main-d’œuvre, de manière à absorber main-d’œuvre que rendra disponible la démobilisation, le retour des déplacés internes et celui des réfugiés, en commençant par les territoires les plus affectés.

Cet engagement n’a pas été honoré par le gouvernement. Mais je pense qu’il faut inscrire ce manquement au même registre que celui de la gouvernance du pays en général, car sur le plan humanitaire et social Masisi et Rutshuru ne sont pas forcément dans la pire des situations comparativement aux autres territoires du Nord-Kivu, ou même aux autres parties du pays.

7)      La réforme de l’armée et des services de sécurité (article 10) : de l’avis commun des deux parties, cette réforme devait être une priorité. Le CNDP avait proposé des orientations stratégiques quant à ce, et le gouvernement avait promis d’en tenir compte.

Quelques actions positives ont été posées dans ce sens, en particulier en ce qui concerne l’armée et la police, mais cela n’a pas été assez. La preuve c’est que cette armée et ces services de sécurité semblent avoir été incapables d’anticiper les événements actuels ; qu’ils demeurent incapables de mettre fin à ce qui au début était présenté comme un « simple mouvement d’humeur de militaires indisciplinés » ou une « simple mutinerie », au point de faire appel à une force internationale.

Conclusion

Il y a lieu de constater de ce qui précède que le gouvernement congolais a tenu la plupart de ses engagements (dans l’ordre de 60 à 70 %) : reconnaissance du CNDP comme parti politique ; participation de ce dernier dans la vie politique ; reconnaissance des grades de la plupart des militaires et policiers issus du CNDP et leur intégration dans l’armée et la police nationales ; promulgation de la loi d’amnistie ; mise en place des comités locaux permanents de conciliation, …

La grande partie des engagements auxquels il a manqué font partie d’un ensemble plus global qui est loin de concerner les seuls membres ou ex membres de la rébellion du CNDP. Exemple : le salaire et les conditions de vie des militaires et des policiers ainsi que leur dépendance ; le retour des réfugiés qui se trouvent dans les pays limitrophes (le cas des réfugiés qui se trouvent au Rwanda n’est pas très particulier si l’on regarde les Congolais réfugiés en Angola, au Congo-Brazaville, en Tanzanie ou ailleurs, et la majorité des déplacés internes sont quand même rentrés) ; la réforme de l’armée et des services de sécurité ; le démantèlement des FDLR et autres groupes armés ; …

Par ailleurs, même si cela n’était pas écrit, le Président Kabila a protégé contre vents et marrées le général Bosco Ntaganda contre qui existait un mandat d’arrêt international, et Dieu sait la pression et les critiques que cela lui a values. Cela a bon lui jouer des tours aujourd’hui, à chaque fois que la question lui était posée il affirmait privilégier la paix à la justice. Ça me déplaît, c’est vrai, mais j’avoue que c’est de sa part un signe de loyauté envers celui qui avait facilité cet Accord…

Pour sa part, le CNDP a violé nombreux de ses engagements, notamment en entretenant parfois des administrations parallèles ; en échouant de couper le cordon entre le CNDP-parti-politique et le CNDP-mouvement-politico-militaire ; en encourageant ses « ex » militaires à refuser d’être affectés dans d’autres régions du pays ; en ne privilégiant pas la voie pacifique pour amener le gouvernement à respecter ses engagements ; etc.

Enfin, à supposer même que cet Accord n’ait pas été respecté par la partie gouvernementale, l’on peut se poser la question de savoir si Sultani Makenga et son M23 sont fondés à en réclamer l’application aux lieu et place du CNDP qui est, à cet égard, l’unique interlocuteur du gouvernement ! D’un point de vue strictement juridique, la réponse est NON. Le M23 en tant que mouvement est étranger à cet Accord. Bien plus, à ma connaissance, le CNDP n’a jamais publiquement réclamé du gouvernement le respect de ses engagements, au point d’initier une insurrection pour ce faire, encore qu’il s’était engagé « à poursuivre dorénavant la quête de solutions à ses préoccupations par des voies strictement politiques et dans le respect de l'ordre institutionnel et des lois de la République ».  La communauté internationale qui a facilité cet Accord aurait été alertée et prise à témoin en vue d’amener le gouvernement à se raviser.

Il me semble donc qu’au-delà de tout ce qui est dit, la montée de la pression au sujet de l’arrestation de Monsieur Bosco Ntaganda a été le catalyseur de cette nouvelle rébellion. Les raisons pour la justifier se sont façonnées au fur et à mesure que la position de Monsieur Kabila au sujet de l’arrestation de Ntaganda se précisait, et le nom magique est tombé : M23 ! Puis la maladresse des FARDC et la fébrilité des autorités congolaises ont fini de convaincre le CNDP et ses hommes du Congo ou d’ailleurs que c’était peut-être le moment de monter de nouvelles surenchères … et ils sont peut-être entrain de réussir leur pari. 

lundi 16 juillet 2012

Nkosazana Dlamini-Zuma fait-elle peur à Kagame ?













La Commission de l'Union africaine a une nouvelle présidente: la sud-africaine Nkosazana Dlamini-Zuma. Le duel qui l'a opposée au président sortant, le gabonais Jean Ping, aura duré six mois. 

Le poste de Président de la Commission africaine est très important, de part la structure et les textes qui régissent l'Union africaine depuis sa réforme, bien que trop souvent son travail est entravé ou freiné par des jeux politiciens qui se passent de toute raison. 

Pour la région des Grands Lacs, le mandat de la nouvelle Présidente sera d'autant plus important qu'il est amorcé au moment où la région traverse une situations aux contours explosifs  et imprévisibles, marquée par la résurgence à l'Est de la RDC d'une rébellion soutenue, si pas commanditée par le Rwanda. 

Dans ce contexte, l'élection de Madame Nkosazana Dlamini-Zuma à la tête de la Commission africaine est tout sauf une bonne nouvelle pour Kigali, et pour cause : le courant ne passe plus entre Kigali et Prétoria, depuis qu'a éclaté en 2010 l'affaire Kayumba Nyamwasa. Ce dernier est, vous vous en souvenez, un Général de l'armée rwandaise, compagnon d'armes du Général Paul Kagame, qui était devenu ambassadeur du Rwanda en Inde avant de tomber en disgrâce et de fuir le Rwanda. Après avoir trouvé refuge en Afrique du Sud, il a survécu à une double tentative d'assassinat, et le procès de ses assaillants poursuit encore son cours. Cet attentat a été attribué par le concerné et ses proches à Paul Kagame en personne, et bien que l'Afrique du Sud n'ait pas publiquement mis en cause le Rwanda, il a insinué l'implication des services secrets rwandais et a réagi en rappelant son High Commissionner (l'équivalent de l'ambassadeur pour les pays du Common Wealth dont fait partie le Rwanda depuis 2009), et en expulsant celui du Rwanda à Prétoria.

Le Rwanda a tenté de minimiser cet incident (jugé pourtant gravissime par les autorités sud-africaines), et au jour d'aujourd'hui les relations entre les deux pays ont repris très timidement, mais la tension est toujours dans l'air. Le procès qui se poursuit pourrait révéler des choses que Kigali ne voudrait pas voir éclater au grand jour. Le Rwanda a d'ailleurs tenté de faire échec à ce procès, mais sans succès. Tout comme il a tenté de se faire remettre Monsieur Kayumba et son compagnon Karegeya (ancien Chef des renseignements extérieurs du Rwanda, lui aussi tombé en disgrâce), mais a fait face au refus catégorique des Sud-Africains. 

Le Rwanda a donc publiquement soutenu la candidature de Monsieur Jean Ping qui, tout au long de son mandat, a su tisser de bonnes relations avec Kigali, où il était invité un nombre incalculable de fois, tant dans un cadre officiel que privé. Non seulement Madame Nkosazana représente l'Afrique du Sud, mais elle est Ministre de l'Intérieur dans son pays, ce qui indique qu'elle est l'autorité de tutelle de cette police qui a osé humilier le Rwanda et son redoutable Président. Qui sait si son ascension à la tête de la Commission de l'Union africaine va la faire oublier ce dossier brûlant ? Qui sait si elle ne s'est pas déjà fait une idée fixe, un préjugé négatif sur le Rwanda et ses dirigeants ? Vraisemblablement, ça c'est des questions que Kagame aurait aimé ne pas avoir à se poser. 

Kagame, c'est la "real politique"

Ceux qui pensent que la politique de Kagame obéit à des dogmes se trompent sur toute la ligne. Cette opposition à Madame Nkosazana est l'une de nombreuses illustrations de la vérité que le régime du FPR défend avant tout ses intérêts, ses projets, sa réputation. Les considérations d'ordre cosmétique (comme le genre !) viennent en dernier lieu. Sinon, Madame Nkosazana aurait eu toutes les faveurs de Kigali : elle est une femme, et Kagame est passé pour champion dans l'art de promouvoir le genre (le Rwanda est à ce jour le pays où l'on trouve plus de femmes parlementaires que d'hommes, et où les femmes sont les plus représentées au sein des institutions publiques). Bien plus, elle est anglophone (contrairement à Jean Ping), et l'Afrique du Sud est, comme le Rwanda, un "domaine" de sa Majesté la Reine d'Angleterre (membre du Commonwealth). 

La real politique de Kagame a encore récemment fait ses preuves, avec le soutien public (voire tonitruant) du Rwanda au candidat américain à la Banque mondiale, Monsieur Jim Young Kim, qui était opposé à la nigériane Ngozi Okonjo-Lweala, pourtant plébiscitée par la quasi-totalité des pays africains. Le fait que le Rwanda ait récemment ouvert une représentation diplomatique à Abudja et ait annoncé son intention de renforcer ses relations politiques et commerciales avec le Nigéria n'a rien changé à la donne. Entre, d'une part les Etats-Unis d'Amériques et la Corée du Sur (patries de Jim Young Kim), et d'autre part le Nigéria (géant africain soit-il), le chois de l'ambiteux Rwanda était really clair ! 

Mais on voit bien que ces recettes n'ont pas beaucoup impressionné Monsieur Kagame, qui sait bien ce qu'il veut, ce qui est plus important. Il n'a pas eu de chance cette fois-ci certes, mais il aura quand même fait son pari. Et certainement qu'il ne manquera pas de faire jouer ses redoutables lobby afin de subir le moins de traumatisme possible de ce revers, au cas où la Dame de Prétoria serait tenté de nuire à ses intérêts.

Kagame a perdu, mais la RDC a-t-elle gagné pour autant ?  

Je crois que je n'exagère rien en affirmant que Monsieur Kagame a perdu, bien que je ne puisse parier si cet échec sera de courte ou de longue durée, ni s'il aura de réelles conséquences sur la politiques de l'UA à l'égard du Rwanda. 

La vraie question est de savoir si la RDC pourrait tirer quelques dividendes politiques de l'avènement de Madame Nkosazana à la tête de la Commission de l'Union africaine. En tout cas, ce n'est pas évident. 

Certes l'Afrique du Sud a infiniment plus d'intérêts en RDC qu'au Rwanda, et toutes les deux sont membres de la SADC (Communauté de Développement de l'Afrique Australe), mais cela ne suffit guère. La RDC reste maîtresse de son destin. C'est donc à Kabila de savoir lire les signes du temps comme on dit, et de les exploiter pour autant qu'ils sont favorables. L'arrivée de Madame Nkosazana est peut-être une belle opportunité pour la RDC de bouster sa diplomatie africaine afin de trouver des appuis dans l'affrontement des défis qui se posent à l'Est. 

Par exemple, elle pourrait faire accélérer la mise en place et le déploiement de cette force internationale qui viendrait rétablir la sécurité au Nord-Kivu, et faire en sorte que cette énième tentative de solution soit la bonne. 

Hélas, je doute qu'elle en soit capable. Je verrais si l'avenir proche démentira mon pessimisme... 




samedi 14 juillet 2012

RDC : Et s’il y avait du vrai dans les revendications du M23 !


Ce soir, en lisant une interview du représentant du M23 en Europe publiée par le journal Africarabia qu’un ami de Kinshasa a eu l’amabilité de m’envoyer, il m’est subitement venu à l’esprit cette idée que de nombreux congolais trouveront sans doute saugrenue : et si le M23 avait raison de hausser le ton vis-à-vis du Président Kabila et de son régime ? Et si la haine (avouable ou non) que certains ont contre les meneurs de ce mouvement les empêchait carrément de juger de façon objective la situation, ou à tout le moins, de se dire que les revendications qu’ils portent ne sont pas (toutes) forcément incongrues ?

Dans cette interview, le nommé Jean-Paul Epenge égraine les « raisons » qui justifient la naissance du M23, et partant, les objectifs que ce mouvement poursuit. En résumé, il explique que leur but n’est pas de chasser Kabila du pouvoir, ni d’occuper tout ou partie du territoire de la RDC, mais simplement d’amener le gouvernement Congolais à honorer ses engagements contenus dans l’accord passé entre lui et le CNDP le 23 mars 2009. Selon lui, ils voudraient que le gouvernement s’engage résolument à :

-          Mettre fin au phénomène FDLR (forces démocratiques pour la libération du Rwanda) et autres « forces négatives » qui insécurisent l’Est de la RDC ;
-          Assurer le retour des réfugiés congolais établis dans les pays voisins, en assurant un climat favorable à ce retour (il parle ici d’instaurer la « bonne gouvernance » ;
-          Garantir le respect de la constitution, en particulier  en qui concerne l’autonomie des provinces ;
-          Reconnaître les grades des militaires issus du CNDP et assurer le paiement régulier des soldes de tous les militaires ;

Je ne suis pas sûr que ces revendications se trouvent comme tels dans les accords évoqués, et je n’ai jamais été le partisan de l’arrangement qui a consisté à « mixer » ou « brasser » de manière brute les troupes issues de différentes rébellions, encore moins de la distribution absurde de grades à des gens sans aucune formation ni éducation conséquente. Mais hormis cela, je pense que les revendications ayant trait à la sécurisation de l’Est de la RDC, au retour des réfugiés et des déplacés (pas seulement ceux se trouvant au Rwanda, mais tous les réfugiés congolais), ainsi que les exigences de démocratie, d’application de la constitution et de la bonne gouvernance, sont une chose tout à fait légitime.

Je ne suis pas non plus convaincu que ceci soit le vrai ou l’unique agenda du M23, pas plus que je n’adhère guère à ses méthodes, mais je suis persuadé qu’il y a des millions de congolais qui sauteraient volontiers sur la première occasion pour faire entendre raison au Président Kabila, tant son bilan des cinq dernières années – pour ne compter que celles-là – est plus que décevant à bien des égards.

La propagande et les rumeurs vont bon train sur les vraies raisons d’exister de cette rébellion : mise en œuvre du complot international de balkaniser la RDC ; guerre du Rwanda pour annexer le Nord-Kivu ou en vue de garder la main mise sur les ressources du Congo ; distraction orchestrée par Kabila lui-même pour justifier son incapacité à répondre aux attentes des congolais ou s’attirer leur sympathie après une réélection controversée ; … Il y en a de tous les goûts.

Mercredi dernier, à l’appel de la société civile, toutes les villes de l’Est de la RDC ont été paralysées par des marches et des « journées ville morte » pour « protester contre cette nouvelle guerre » et soutenir les efforts qui sont menés en vue d’y mettre fin. Ce qui est bien bon. Cet élan national, cette solidarité du peuple autour d’une question aussi importante que la souveraineté et la sécurité nationales.

Ma satisfaction serait pourtant plus complète si l’on pouvait observer la même dynamique et la même solidarité lorsqu’il s’agit d’autres questions d’une importance similaire (ou presque) comme par exemple :
-          S’opposer à la modification intempestive de la constitution (comme celle de janvier 2011 qui a réduit le scrutin présidentiel à un seul tour au lieu de deux) :
-          Réclamer l’application de la constitution en ce qui concerne la retenue à la source de 40% des recettes des provinces, ou la mise en place du Conseil constitutionnel et de la Cour des comptes, ou encore la tenue des élections locales ;
-          Dénoncer la corruption et exiger la fin de l’impunité et d’autres antivaleurs, …

Balkaniser la RDC : quoi de neuf ?

Brandir l’idée que le M23 procède d’un « complot international » visant à la balkaniser la RDC, c’est tout simplement une idée ridicule à mes yeux. D’abord parce que les autorités de Kinshasa ne font absolument rien pour mettre le peuple dans les conditions minimales qui lui permettent d’apprécier le bien fondée de l’unité tant vantée : l’insécurité est permanente, la pauvreté, l’oppression parfois de la part de ceux qui sont sensés assurer la protection, exclusions, stigmatisation, … Ensuite parce que la sécession du Congo n’est pas une idée que des étrangers : il y a de nombreux peuples (au nord, au sud, à l’est, au centre) qui préféreraient être autonomes, espérant ainsi pouvoir enfin se développer, et l’idée séduit de plus en plus les gens, surtout la jeunesse. Je ne sais pas si c’est aussi le cas des Tutsi, ou plus généralement des populations de langue kinyarwanda. Ce qui est sûr c’est que si c’était le cas, ils ne seraient ni les premiers, ni les seuls à y croire.

Exploiter les ressources naturelles ?

Quant à dire que cette guerre serait justifiée par le souci pour le Rwanda ou des pays tiers de continuer à exploiter les ressources de la RDC, je pense que cela n’a non plus rien de vraiment convainquant. En effet, les richesses de la RDC sont partout exploitées, que ce soit par les congolais ou les étrangers, sans que cette exploitation ne profite à la majorité d’entre nous. Et cela se fait de Moanda à Aru, de Gbadolité à Kolwezi, de Tshikapa à Bukavu… et les prédateurs n’ont nullement besoin de faire la guerre pour exploiter ce dont ils ont besoin. Déjà que personne n’a la capacité de les en empêcher. Ni l’armée ou la police, qui au contraire les convoient ou les alimentent bien souvent ; ni le gouvernement ou le parlement dont les membres s’en partagent les parts ou les miettes à cœur joie ; moins encore la population qui est dupe, ou résignée, ou amorphe, lorsqu’elle n’est pas elle-même exploitée de façon vulgaire.   

En conclusion

Certes cette énième guerre que mène le M23 est de trop : elle rajoute à l’insécurité qui en fait n’a jamais cessé au Nord-Kivu depuis plusieurs décennies ; elle aggrave une situation humanitaire déjà précaire et oblige des centaines de milliers de gens à fuir leurs maisons, leurs champs, sans compter ceux à qui elle prend la vie ; elle ranime des tensions communautaires qui étaient peut-être en passe de s’apaiser ; elle ravive la méfiance, voire la haine à l’égard du Rwanda et des Rwandais ; elle donne de nouveaux prétextes à un pouvoir qui a déjà montré ses limites à répondre aux attentes de la population ;…

Mais peut-être les gens ne voient-ils les choses que d’un côté : celui où le politique ou leurs préjugés les oriente. Il est possible que les revendications officielles de ces hommes – aussi détestables, aussi peu dignes de confiance soient-ils – aient quelque chose de vrai, quelque chose que chaque congolais porte silencieusement en lui.

Si l’on peut souhaiter que cette nouvelle tragédie prenne rapidement fin, je propose que l’on souhaite aussi que le Président Kabila et son gouvernement trouvent dans cette situation une belle occasion de se remettre en cause et de se demander s’ils n’ont pas des choses à améliorer dans leur camp. A commencer par la création d’une vraie armée républicaine, mais aussi au niveau des standards de la démocratie, de la bonne gouvernance et du développement du pays dont ils ont dûment ou indûment la charge. Dans le cas contraire, je suis certain que Makenga ne sera pas le dernier à agiter les armes. Quel reproche fera-t-on au prochain s’il se trouve qu’il n’est pas Tutsi, et s’appelle tout simplement LE PEUPLE ?    

mardi 10 juillet 2012

Goma, comme les esprits se surchauffent ... Manipulation ou exaspération ?

Goma a vécu dans la terreur ce lundi 9 juillet. Et pour cause, des jeunes gens en colère ont pris d'assaut les quartiers généraux de la Huitième région militaire (le siège du commandement militaire du Nord-Kivu), réclamant qu'on leur donne des armes pour qu'ils aillent s'occuper du M23 si les FARDC en sont incapables.

Mais ce n'est pas tout. Ces jeunes se sont attaqués aux ressortissants rwandais et à ceux et celles qui peuvent en avoir l'air, dans les rues, mais aussi au sein des universités et autres écoles de la ville. Pour ce qui ne le saurez pas, de nombreux rwandais traversent chaque jour la frontière pour suivre les cours à Goma où les études coûtent relativement moins cher, et où - c'est peut-être aussi important - les cours sont (encore) dispensés en Français. D'autres y viennent simplement pour affaires, pour y travailler, pour des courses, ou simplement en promenade.

Les révoltés de Goma sont pour la plupart des jeunes motards, badauds et autres incontrôlables. Ils en veulent aux rwandais, en particulier ceux de "morphologie Tutsi" au pretexte que "leur pays agresse encore une fois la RDC". C'est après que ces derniers jours les rebelles du M23 aient fait une progression spéctaculaire dans le territoire de Rutshuru dont la limite australe est située à seulement quelque 30 kilomètres au nord de la capitale provinciale Goma.

Après la prise vendredi de la cité de Bunagana à la frontière congolo-ougandaise ainsi que de la localité de Jomba, les hommes fidèles à Sultano Makenga (ou à Bosco Ntaganda, je n'en sais plus rien) ont pris samedi et dimanche le contrôle de Rutshuru (le chef-lieu du territoire de ce nom), de la cité de Kiwanja (la plus importante agglomération de ce territoire), ainsi que de nombreux autres villages environnants, dont Rumangabo, om se trouve une importante base militaire.

Les FARDC ont pris le large, butins au dos

Hormis Bunagana, Jomba et Rubare où les troupes gouvernementales ont tenté de résister à la déferlante du M23, partout ailleurs il n'y a pas eu de combats, ou presque. Les FARDC ont déserté leurs positions avant l'arrivée des rebelles. Ce qu'ils n'auraient pas oublié dans leur fuite c'est de dépouiller la population de ses biens. Des témoignages concordants font état de pillages à Kiwanja et dans les autres villages le long de la route vers Goma.

Aussi le M23 ne se prive-t-il pas de surfer sur cet élément (quoique repréhensible, cette méconduite de quelques militaires FARDC n'était ni généralisé, ni systématique) pour se faire passer pour une troupe de sauveurs. Déjà ce soir on pouvait entendre sur certains médias des journalistes raconter que dans les contrées conquises la population "se dit soulagée de ce départ des FARDC et réjouie de l'arrivée des hommes du M23". La guerre des nerfs est engagée, et les FARDC ont tout à y perdre, comme sur les autres fronts d'ailleurs...


Chasse aux rwandais ou manipulation ? 

Pendant ce temps, et comme si l'opprobre des FARDC sur le front militaire ne suffisait pas, à Goma c'est un autre front qui s'est ouvert ce lundi contre les ressortissants rwandais vrais ou vraisemblables.

Pour certains, cette chasse ouverte aux "rwandais" est le signe d'une exaspération de la population de Goma qui, non seulement est déçue de son armée, mais aussi anxieuse à l'idée que Goma pourrait être la prochaine cible des mutins.

Pour d'autres, dont le gouverneur de province Julien Paluku, ces jeunes gens "ont été payés" pour s'attaquer aux Tutsi et aux ressortissants rwandais afin de donner à ces derniers (dont les troupes seraient déjà infiltrées dans la ville) une fausse raison d'attaquer la ville de Goma.

Qui dit vrai ? Je vous laisse deviner, si c'est possible.
Quoi qu'il en soit cette chasse à l'homme est une insulte à l'humanité et un sale jeu qui ne peut qu'aggraver une situation déjà assez déletère. La xénophobie a apporté à la RDC et à cette région malheur, larmes, et guerres. Et on croit s'en servir pour calmer une situation ou gagner une guerre? Franchement, c'est du délire...

Si ceux qui font ces actes croient aimer le Congo et le servir, ils se trompent sur toute la ligne. Cela ne peut être que contre productif. Par exemple, ça donne une raison au Rwanda de brandir (encore) son drapeau de victime, et de tourner la situation en sa faveur alors même que l'opinion internationale lui en voulait de soutenir (d'après le rapport des experts onusiens) la rébellion du M23. Ce dernier pourrait aussi s'empresser de prendre la ville pour "sécuriser la communauté Tutsi" menacée. Quoi de plus légitime !

J'espère vivement que ça ne va pas se répéter. Les autorités ont tout intérêt à s'en assurer. Je ne veux pas être prophète sur ce coup-ci ! Quant à la version du gouverneur (qui me semble avoir pris quelques leçons accélérées auprès d'un certain Lambert MENDE), je doute qu'elle soit sérieuse, car à voir la manière dont Rutshuru a été pris en si peu de temps et sans grand péril, l'on peut se demander si le M23 a besoin de se donner un faux prétexte afin d'attaquer Goma. Prions seulement qu'il ne le veuille jamais, car en dehors de ça je ne vois pas de bouclier qui lui fasse peur. L'on peut chanter à longueur des journées et dans toutes les langues que le soutien du Rwanda est la seule explication à cet exploit, cela ne change rien. Ils pourraient avancer inexorablement.

Dans un communiqué publié ce lundi, et dont j'ai vu une copie, le M23 a annoncé qu'il avait décidé de se retirer de toutes les localités qu'il avait conquises ces derniers jours, et de les laisser sous le contrôle de la "Police nationale congolaise" et de la Monusco. En s'addressant aux médias nationaux et internationaux à Bunagana ce même lundi, le leader (officiel) du M23, le colonel Sultani Makenga, a indiqué que cette décisiona avait été prise parce que le M23 n'a pas l'ambition d'occuper le terrain, mais veut simplement convaincre le gouvernement à engager des pourparlers avec lui. Pour Makenga, la PNC et la Monusco sont qualifiées pour assurer la protection des civils et de leurs biens; ses militaires resteront dans leurs quarties de Runyoni et Mbuzi.

Il n' a pourtant pas manqué d'avertir les FARDC que toute tentative de reprendre le contrôle de ces localités donnerait lieu à une réaction "rapide et énergique du M23", allant jussqu'à menacer de poursuivre alors les FARDC aussi loin qu'il le pourra. Ce qui ne trompe pas les analystes avertis sur le jeu de ce Mouvement.

Le territoire de Rutshuru est depuis 2009 sous le contrôle d'éléments de police issus du CNDP. Or, il est désormais évident que le CNDP et le M23 ne sont qu'un. Déjà, le communiqué de presse susévoqué porte sur son entête l'emblème et le nom du CNDP à gauche, et ceux du M34 à droite, quoiqu'il n'est signé que par Sultani Makenga.

Les  FARDC sont-elles à mesure de se ressaisir ?

Rien n'est moins sûr. Lorsque, au début de cette insurrection, l'on a vu des bataillons entiers être déployés depuis Kindu, Ituri, Kisaangani et ailleurs avec comme objectif affiché d' "écraser les mutins", peu de gens étaient prêts à parier que l'on parlerait encore du M23 deux mois plus tard. Pourtant on n'a jamais parlé de lui autant qu'aujourd'hui. L'on ne compte plus le nombre de militaires congolais qui ont fui vers l'Ouganda, et qui y ont été humiliés. Le M23 semble être plus fort que jamais. Il a dit avoir fait d'importantes prises d'armes (ainsi même si un pays étrangers lui en rajoutait d'autres personne ne se doutera de rien). Côté FARDC, l'organisation, l'entretien, la nourriture, la paie, et surtout la discipline se font toujours attendre. Résultat: on a des troupes démoralisées, démotivées, démobilisées. Ce n'est vraiment pas l'état idéal pour affronter un ennemi aussu redoutable qu'imprévisible...

Le gouvernement lui se perd dans des conférences et des diplomaties sans fin. Tel un malade qui, au lieu de prendre sa pilule, court dans tous les sens chercher des exaurcistes. Dieu sait si le ciel (ou l'enfer) l'entendra. Mais espérons ! Déjà que nous ne vivons plus que d'espérer...

mardi 3 juillet 2012

Est de la RDC : Indépendance pan ! pan ! pan !

Samedi 30 juin, alors que la RDC commémorait le cinquante-deuxième anniversaire de son indépendance, les combats faisaient de nouveau rage dans le Nord-Kivu, où les FARDC sont opposées depuis plus de deux mois au Mouvement du 23 mars (M23).

Les belligérants avaient convenu d'une trêve qui a duré une semaine, en vue de permettre la passation de l'examen d'Etat pour les finalistes de l'école secondaire. Ils se rejettent la responsabilité de l'initiative de la reprise des hostilités.

Au même moment, on signale la résurgence d'une coalition "contre-nature" entre les FDLR - les rebelles Hutu rwandais - et l'Union des Patriotes Congolais pour la Paix du chef de guerre La Fontaine, plus au nord de la province dans le territoire de Lubero.

Le gouvernement congolais a accusé le Rwanda de soutenir cette nouvelle alliance en vue de disperser les efforts des FARDC qui étaient concentrés sur le M23, ce que le Rwanda refuse d'admettre tout naturellement. Au contraire, il (le Rwanda) accuse ouvertement le gouvernement congolais de "réactiver sa collaboration" avec les FDLR en vue de les aider à "déstabiliser à nouveau le Rwanda". A son tour le porte-parole du gouvernement congolais a balayé ces allégations du revers de la main, les jugeant insensées. "Les FARDC mènent depuis des années une lutte sans merci contre les rebelles rwandais et toutes les autres forces négatives actives à l'Est de la RDC", a-t-il scandé.

Une alliance entre les FDLR et les rebelles congolais ne serait pas une première, et à mon avis sa réactivation ne serait pas étonnante d'autant plus que l'on se rappelle que la milice congolaise dirigée par La Fontaine s'est formée à l'époque où le CNDP conduit par Laurent Nkunda imposait sa loi dans le Rutshuru, avec pour objectif de servir de forces d'autodéfense pour les populations Hutu de cette contrée. A l'époque déjà, elle avait dû s'allier aux FDLR, car leur ennemi commun était la rébellion du CNDP essentiellement Tutsi, et soutenue par le Rwanda.

Bien plus, les alliances de la même nature sont fréquentes dans le territoire voisin de Masisi, entre par exemple les FDLR et les Nyatura (qui est aussi une milice d'autodéfense essentiellement hutu).

Ce qui est troublant par contre c'est le rapprochement fait entre ces alliances et le soutien désormais avéré du Rwanda au CNDP nouvelle formule - j'entends le M23 - , avec pour hypothèse que le Rwanda essaie par ce moyen de distraire les FDLR de leur principale cible que constitue le M23.

Dieu sait que le Rwanda n'en est pas incapable. Cependant, il faudrait bien plus d'éléments pour adhérer à cette hypothèse. Il n'est pas en effet impossible que les Hutu de Rutshuru essaient de former leur propre défense contre le M23 - qui est, sauf hypocrisie, un mouvement essentiellement Tutsi - et les FDLR seraient dans ce cas leur allié le plus naturel.

Plus inquiétant que ce jeu vrai ou imaginaire d'alliances, c'est la polarisation tribale que risque de recristalliser ce conflit, entre les Hutu, soutenus éventuellement par d'autres groupes tribaux de la contrée d'une part, et les Tutsi d'autre part.  Dans un camp comme dans un autre, il y a des personnes innocentes, qui ne comprennent ni ne savent rien de cette nouvelle guerre. Pourtant ce sont elles les victimes: elles que l'on tue, elles qui fuient, elles qui perdent bétails et champs.

C'est dommage que les politiciens continuent d'opposer les tribus et les ethnies dans des guerres qui ne les concernent pas du tout. Les séquelles de ces oppositions sont bien plus durables que les hostilités militaires, et le Nord-Kivu n'en connaît que trop les ravages.

Si j'avais l'occasion de parler aux uns et aux autres, je leur dirais tout simplement : battez-vous si vous en avez envie. Battez-vous parce que vous savez ce que vous en tirez. Mais tâchez de nous tenir à l'écart de votre bassesse, et de nous utiliser comme vos boucliers. Les Hutu et les Tutsi du Congo et d'ailleurs, tout comme les autres  peuples du Nord-Kivu, ont une seule aspiration commune et profonde : c’est l’aspiration à la paix, à la sécurité, et au bien-être. Et en ce jour mémorable du 30 juin, nous méritions mieux que des crépitements de balles si réellement nos intérêts et notre survie étaient votre préoccupation…